Production laitière : Marie-Pier Vincent, éleveuse de championnes

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Il faut avoir du cran pour démarrer une entreprise agricole en solo. Marie-Pier Vincent n’en manque pas. Elle ne se contente pas d’exploiter à elle seule la Ferme Silvercrest, à Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie, elle développe aussi des lignées de vaches qui se font remarquer à l’étranger. Portrait d’une productrice de lait déterminée.

Deux plus grandes fiertés

Marie-Pier Vincent prend la pose avec ses deux plus grandes fiertés. Dans ses bras, sa petite Flavie, qui vient tout juste d’avoir un an. À leurs côtés, Birdy, une vache Holstein particulièrement costaude. Malgré la taille imposante de l’animal, la fillette ne semble pas craintive. Il faut dire qu’elle a l’habitude : chaque matin, elle accompagne sa mère à l’étable. « Birdy est vraiment maternelle. Je la surprends parfois en train de surveiller Flavie dans sa poussette »,
s’attendrit la nouvelle maman de 32 ans.

Lorsqu’on demande à la productrice de lait quel est son plus grand défi, sa réponse ne se fait pas attendre : « La conciliation travail-famille! J’ai recommencé à travailler trois jours après avoir accouché », précise-t-elle. Il faut dire qu’en plus d’être maman, Marie-Pier gère à elle seule une ferme de 90 animaux, dont 45 vaches en lactation. Elle peut heureusement compter sur Cristian, un travailleur du Guatemala qui l’aide à mi-temps, et sur sa mère Jacinthe, qui lui donne un coup de main avec Flavie et à la ferme. Malgré tout, ses journées sont bien remplies.

Son conjoint, Nicolas, ne chôme pas lui non plus : chaque matin, il part aux aurores pour Granby, où il possède une production laitière d’environ 400 têtes. Marie-Pier aurait pu travailler avec lui, tout comme elle aurait pu reprendre la ferme laitière de ses parents, à Acton Vale, avec son frère Alexandre. Il y a six ans, elle a plutôt choisi de démarrer sa propre entreprise. « On avait des visions différentes », explique celle qui a fait le choix de s’entourer d’un nombre restreint de vaches. « Ce qui m’intéresse, c’est de développer des lignées. »

Passion de mères en filles

« L’argent ne peut pas acheter le bonheur, mais peut acheter des vaches, et traire des vaches rend heureux. » C’est ce qu’on peut lire sur un écriteau accroché tout juste à l’entrée de l’étable. À voir les vaches qui gambadent dans les verts pâturages, le bonheur n’est pas bien loin. Ce bonheur, Marie-Pier y a goûté très tôt. Comme sa fille, elle a aussi accompagné ses parents à la traite lorsqu’elle était encore enfant. « On n’avait pas de gardienne à 5 h du matin! », lance sa mère.

Jacinthe se souvient qu’à trois ans à peine, sa fille apportait des chaudières d’eau pour faire boire les veaux. Quatre ans plus tard, la petite Marie-Pier présentait son premier veau à un concours agricole. « Il y en avait un tout noir que j’avais appelé Papaye », se rappelle cette dernière. À l’époque, sa tante avait même prédit que ce serait sa vocation.

« Ma mère aurait préféré que je fasse autre chose », ajoute-t-elle en riant. « Je savais à quel point c’était exigeant, se défend Jacinthe. Mais, quand t’aimes ça, c’est le plus beau métier du monde. » La grand-maman de Flavie précise que sa propre mère lui avait aussi déconseillé de devenir agricultrice. Cela ne l’a pas empêché de reprendre la ferme familiale. « On était quatre filles et j’étais la plus jeune. J’avais hâte de revenir de l’école pour aider mes parents, raconte-t-elle. Ma passion, je la tiens de ma mère. » Aucun doute qu’elle a transmis la sienne à Marie-Pier!

Vaches laitières et reines de beauté

Cette passion qui lie la mère et la fille, c’est la génétique. La belle Birdy, dont Marie-Pier est si fière, est d’ailleurs une descendante des vaches de Jacinthe. Une « lignée exceptionnelle », selon les mots de cette dernière, et que sa fille s’emploie à perpétuer. « On choisit les sujets qui ont le plus de potentiel et on les croise avec les meilleurs taureaux, explique Marie-Pier. On implante ensuite les embryons dans des porteuses pour multiplier la famille. »

L’an dernier, Marie-Pier a vendu l’une de ses vaches à l’Exposition agricole de Saint-Hyacinthe. À peine deux mois plus tard, la prénommée Goldie remportait le World Dairy Expo, à Madison, au Wisconsin, l’équivalent d’un Miss Monde bovin. La vache a été couronnée en fonction de plusieurs critères, dont la finesse de ses pattes, la longueur de son cou, la largeur de sa croupe, la qualité de son système mammaire et sa démarche. « C’était mon rêve de petite fille, confie l’éleveuse. Je ne pensais pas que ça arriverait aussi vite. »

Si la production laitière est ce qui occupe le plus Marie-Pier au quotidien, ces dernières semaines, elle a redoublé d’efforts pour préparer ses vaches pour l’Exposition agricole de Saint-Hyacinthe. « Cette année, on en présente trois : Birdy, sa fille Eagle et sa petite-fille Bloom », indique-t-elle. Au mois d’octobre, ce sera au tour de Birdy de tenter sa chance au World Dairy Expo. Marie-Pier ne cache pas que son chouchou a droit à un traitement de faveur.

Un dévouement sans borne

Les autres vaches n’ont pas de quoi être jalouses. Marie-Pier n’hésite pas à les laisser brouter dans le pâturage plusieurs fois par semaine, « même si c’est plus de travail ». Le reste du temps, chacune d’entre elles a droit à un menu personnalisé élaboré par une nutritionniste en fonction de son âge et de sa production de lait, le tout distribué par un système automatisé.

Si elle voulait sauver du temps, Marie-Pier pourrait investir dans un robot de traite comme celui que possède son frère, ce qui lui donnerait une plus grande liberté d’horaire. « En même temps, j’aime tellement ce contact avec les vaches… », confie-t-elle. Comme sa mère avant elle, la trentenaire ne compte pas les heures passées à s’occuper de ses protégées. Chaque fois que l’une d’elles donne naissance, elle est présente pour assister à l’événement, même si cela peut impliquer de se lever en pleine nuit ou d’annuler ses engagements. « La vie de mes vaches passe avant la mienne », résume-t-elle.

Alors que la petite Flavie babille dans ses bras, Marie-Pier ne sait pas encore si elle saura lui transmettre la passion qu’elle a elle-même héritée de sa mère. Une chose est sûre : un jour, sa fille pourra se vanter d’appartenir à une lignée exceptionnelle de productrices de lait!

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