La ferme RedAnn : la technologie au service du confort des vaches

À Saint-Victor, en Beauce, une histoire familiale de sept générations prend un nouveau tournant grâce à la technologie. Avec le projet de la ferme RedAnn, Frédéric Bolduc et sa conjointe Annabelle Fleury ont redonné vie à la ferme familiale en 2023, huit ans après l'arrêt des activités laitières. Et leur approche révolutionnaire place le bien-être animal au cœur d'une production moderne et efficace.

La ferme des Bolduc-Fleury porte en elle l'histoire de sept générations d'éleveurs. Quand les activités cessent en 2015, l'avenir de cette terre beauceronne semble incertain. Pourtant, Frédéric et Annabelle choisissent de faire renaître l'exploitation plutôt que de partir à zéro ailleurs. « C'était plus avantageux financièrement de faire quelque chose ici, dans la ferme familiale. On avait aussi plus de liberté avec le fait que ce soit de la parenté », explique Frédéric.

Cette renaissance n'aurait pas été possible sans l'ouverture d'esprit des générations précédentes. Les parents de Frédéric, loin de s'opposer aux changements, se sont avant tout montrés encourageants. Même si certaines idées ont pu paraître opposées aux pratiques traditionnelles, la famille du couple a soutenu cette nouvelle vision.

Dans l'étable baignée de lumière naturelle, chaque détail révèle la priorité du couple pour le bien-être de leurs protégées à quatre pattes. Prenez les matelas d'eau : une innovation qui peut sembler anodine, mais qui transforme le quotidien des vaches. « C'est le matelas le plus confortable qu'on puisse offrir et ça les rafraîchit l'été bien mieux que le béton », explique Frédéric.

Le ronronnement discret des robots de traite ponctue désormais les journées à la ferme. Plus question d'imposer des horaires stricts aux vaches : elles se dirigent vers la traite selon leurs envies. « Vous devriez les voir, elles ont vraiment hâte d'y aller! », s'enthousiasme Annabelle. Cette liberté s'accompagne d'une surveillance technologique pointue grâce aux colliers connectés qui fournissent une précieuse mine d'informations au sujet de chaque vache. Un investissement qui allège aussi leur charge de travail.

L'étable elle-même a été optimisée. La ventilation transversale contrôlée par intelligence artificielle maintient des conditions idéales pour ses occupantes. Les brosses rotatives permettent aux vaches de se gratter et de se masser à volonté. Le système de repousse fourrage fonctionne régulièrement, évitant aux animaux de s'étirer le cou pour se nourrir et de mettre trop de poids sur leurs sabots avant.

Contrairement à la majorité des fermes québécoises qui élèvent des Holstein (les vaches blanches et noires), Frédéric et Annabelle ont opté pour des Jersey. Cette race, de plus en plus populaire, présente des avantages non négligeables. « La Jersey est intéressante pour ses composantes, elle commence à rattraper les Holstein. Elle est docile, collaborative, en plus d’avoir un bon tempérament », explique Frédéric.

Plus petites, ces vaches nécessitent moins d'espace pour les maintenir en stabulation libre et conviennent mieux au format de l'étable RedAnn, permettant d'offrir plus de places tout en maintenant un niveau de confort maximum.

Les investissements technologiques portent leurs fruits. Le niveau de production a augmenté, et ce, malgré le changement de race. « Nos Jersey actuelles font au moins ce que nos Holstein faisaient et même mieux », constate Frédéric. « On ne s'attendait pas à ça, considérant qu'elles sont plus petites. Mais quand le bien-être des vaches est mis en priorité, ça paraît dans la production! »

Mais au-delà des chiffres, c'est la qualité de vie qui a été transformée. « Ça permet d'avoir plus de temps, c'est beaucoup moins rigide comme structure. On est plus flexible, on peut arranger notre horaire plus facilement », témoigne le couple. Grâce aux caméras de surveillance, ils peuvent même anticiper les besoins du troupeau à distance.

Le troupeau de la ferme compte actuellement 61 vaches. Mais les infrastructures permettraient d'accueillir plus d'animaux avec le même robot, offrant des perspectives d'expansion tout en restant autonomes à deux, sans engager de personnel.

Pour Frédéric et Annabelle, convaincre d'autres productrices et producteurs d'adopter ces technologies tient en un mot : flexibilité! Mais leur motivation va plus loin. « On a le devoir de donner le meilleur aux vaches, pour tout ce qu'elles nous donnent en retour. C’est le bien-être de nos vaches avant tout », insistent-ils.

Cette philosophie s'appuie sur une logique économique solide : « Si elles sont bien traitées, elles produisent plus, tout va ensemble. » Le bien-être et la rentabilité se rejoignent dans cette approche moderne de l'élevage.

Les projets ne manquent pas à cette ferme de Beauce. Dans les 5 à 10 prochaines années, Frédéric et Annabelle envisagent de faire rouler leur robot à pleine capacité, peut-être même d'en acquérir un second. L'automatisation des tâches les plus prenantes, comme l'alimentation, leur permettrait d'assurer un meilleur suivi de leurs vaches.

Ils rêvent aussi de retourner à l'élevage un jour et surtout d'avoir enfin des vacances, grâce entre autres à l’automatisation de certaines tâches! Un luxe que peu de producteurs laitiers traditionnels peuvent se permettre.

L'objectif à long terme reste ambitieux : permettre aux vaches de sortir au champ le soir jusqu'au matin, conciliant ainsi technologie moderne et comportements naturels.

Dans un contexte où la stabulation entravée devra être abandonnée d'ici 2027, la ferme RedAnn montre la voie. Elle prouve qu'innovation technologique, bien-être animal et rentabilité peuvent non seulement coexister, mais se renforcer mutuellement.

Frédéric et Annabelle n'ont pas seulement relancé une ferme familiale : ils ont créé un modèle pour l'agriculture de demain, où la technologie sert l'humain et l'animal dans une symbiose aussi respectueuse que productive.